Article paru dans Autrement dit.



 
LE NORD-PAS DE CALAIS EN POINTE CONTRE LA SURDITE
 

Désormais les avancées de la technologie permettent une meilleure prise en charge des problèmes d’audition : les salles de l’université de Lille 3 se voient équipées de boucles magnétiques, un système pour les malentendants porteurs d’un appareil auditif.

Un enfant atteint de surdité sur deux peut bénéficier d’un implant cochléaire. Mais parallèlement à ces progrès le dépistage reste difficile. Pourtant, la perte d’audition est synonyme d’isolement, quel que soit l’âge de la personne concernée. On fait répéter, augmenter le son de la télévision, on s’isole.

Chez les jeunes, les acouphènes touchent particulièrement les amateurs de concerts et boîtes de nuit, les musiciens aussi. Souvent, d’ailleurs, c’est l’entourage qui encourage ce dépistage, les médecins n’étant pas alertés. L e patient ne se plaint pas, il consulte en face à face avec le médecin dans une relation de proximité physique et un environnement calme.

UNIQUE EN FRANCE

Depuis juin et jusque décembre 2010, soixante-dix médecins généralistes du Nord-Pas de Calais vont dépister systématiquement leurs patients de plus de 60 ans, grâce à un petit appareil simple d’utilisation. Les résultats définitifs de cette étude inédite seront connus en mars 2011.

On peut déjà en évoquer les premiers éléments avec Céline Chrétien, déléguée médicale du groupe Renard, spécialiste nordiste de l’audioprothèse, en charge du projet. « On constate une attitude très positive des généralistes sidérés d’obtenir autant de tests positifs, il s’agit d’un protocole de dépistage unique en France. »

Depuis 2005, un autre dispositif existe à Lille : le dépistage néonatal, mené uniquement dans six villes françaises (CH de Bordeaux, Marseille, Lille, Lyon Paris et Toulouse). Le Professeur Jean-Pierre Farriaux, médecin pédiatre et ses collègues du CHRU de Lille s’intéressent à ce dépistage depuis une quarantaine d’années même si les appareils le rendant possible sont apparus voici 10 ans. Depuis 5 ans, le CHRU lillois le propose au troisième jour de la vie du bébé.


Un enfant sur mille est atteint de surdité profonde bilatérale « ce dépistage ne doit pas être réservé à quelques riches mais ouvert à tous les enfants », sinon pris en charge trop tardivement, entre 18 et 24 mois

« les parents ont tendance à nier le trouble de retard de la parole. Or la sociabilité d’un enfant s’acquiert avant 2ans. Si ce dépistage n’est pas fait, certaines zones du cerveau ne se développeront pas. »

Une fois ce dépistage effectué reste à adresser le diagnostic et, dernière étape loin d’être la plus aisée, mettre en place la prise en charge : appareillage, orthophonistes, ORL…

« Ce n’est pas une fatalité, si l’enfant est pris en charge, il pourra aller à l’école, vivre normalement, quand c’est un handicap aujourd’hui de ne pas pouvoir communiquer dans notre société »
s’enthousiasme le Pr Farriaux.
Un enfant sur mille est atteint de surdité profonde bilatérale  



Le Professeur Christophe Vincent, Chef de service ORL, Otologie, Otoneurologie du CHRU de Lille tempère :


« ça paraît parfois simple. On dépiste, on traite, tout va bien. C’est surtout un travail d’équipe en réseau, généralistes, audioprothésistes, ORL … Nous sommes en phase de progrès net depuis 5/10 ans, mais demeurons en retard par rapport à la Belgique, notamment côté flamand. En même temps, le Nord-Pas de Calais représente un cas unique : 4 millions d’habitants, 60 000 naissances par an, une région hors norme !  Et il ne faut pas que dépister, mais traiter, pour limiter le handicap. Car, un enfant sourd restera sourd toute sa vie. Demeure le problème économique du coût de ces prothèses, limité, lorsqu’il est ramené à la prise en charge d’un adulte handicapé, il faut agir pour que ce financement ne soit pas un frein ! ».



S. MORELLI